Who am I ? |PV Hermès Legend|

Denver.

Dans ce bois étrange, il n'y avait pas l'air d'y avoir grand monde. Tant pis. Depuis le temps que Denver trainait son corps seul, sans avoir envie de vivre. Quelques jours de plus ou de moins dans la solitude la plus totale ne le dérangeaient pas. En revanche, cela avait tendance à accroître son envie d'en finir pour rejoindre sa belle.

Ne sentant pas la présence de cette inconnue, l'étalon pie se mura dans les idées noires que lui inspirait le drame qu'il avait vécu quelques mois plus tôt, ou quelques années. Il ne savait pas, il ne savait plus. Combien de temps s'était écoulé entre avant et maintenant ? Combien de temps s'écoulerait-il entre maintenant et la fin ? Il espérait que dans le dernier cas, cela soit rapide. Quelques heures, quelques jours. Pitié, il fallait que tout ceci s'arrête. Mais tout comme le sang, le passé ne coagulait que rarement lorsque la vie était entaillée par une bête aux crochets venimeux. Le malheur avait frappé.

Une présence le tira de ses mauvaises pensées et il releva son regard brun vers celui d'une parfaite inconnue. Elle avait la même robe que Katerina, tout aussi sombre. Quel supplice de croire la voir partout où il posait les yeux. Toutefois, il ne laissa rien voir des troubles qui habitaient son esprit et admit un sourire, certes léger, mais un sourire tout de même.

- Bonjour, la salua l'étalon dont la fatigue était voyante.

Depuis la disparition de sa belle, seules les envies suicidaires et le manque de sommeil guidaient sa vie.

- Je me nomme Denver, se présenta l'étalon en inspirant une grande bouffée d'air frais après avoir détourné la tête durant un instant. Enchanté.

Ce dernier mot avait été prononcé lorsque ses grands yeux bruns étaient revenus dans ceux de la demoiselle qui se trouvait là, comme sa belle quelques mois plus tôt. Pourquoi... Pourquoi avait-il fallu qu'elle meurt, qu'elle le laisse seul devant cette existence dont il ne maîtrisait pas les remous ? Comme un bateau dans la tempête, il était ébranlé par tous les revirements de situation et ne parvenait plus à tenir le rythme de la vie.

- Si, ça va, murmura-t-il dans un souffle en espérant que ce mensonge passe.

- Vous n'avez pas pu vivre la même chose que moi, souffla l'étalon pie avant de prendre le pas, espérant échapper à l'explication de cette phrase qu'il venait tout juste de prononcer.

Car non, il n'avait pas envie d'en parler, il n'avait pas envie de revenir sur le passé. Il préférait le faire seul, sans en parler à haute voix, sans devoir étaler son intimité sur le plateau comme le feraient ces pseudos-demoiselles voulant être plaintes par les autres. Il n'était pas ainsi, il préférait feindre la joie de vivre ainsi que le bonheur, même si c'était dur, même si c'était faux.

Sans doute n'avait-il pas été violé mais il avait perdu la seule qu'il aimait, gestante de leur unique enfant, à cause des loups. A cette pensée, une lueur de rage pure descendit de son esprit pour aller jusque dans ses prunelles devenues sombres pour se noyer dans ses iris après que la demoiselle ait parlé. Il inspira un bon coup.

- Cela vaut mieux, répondit-il sans grande conviction toutefois.

- Je n'ai pas très faim, mais merci d'avoir proposé, lui répondit l'étalon sur un ton neutre qui ne dévoilait rien de sa haine intérieure, ni même de sa tristesse d'ailleurs.

Son ton était monocorde, comme s'il se forçait à parler, comme si la politesse exigeait de lui qu'il sacrifie le peu de temps qu'il lui restait en ce monde. Quand en finirait-il pour de bon ? Le courage lui manquait.

- Je viens tout juste d'arriver, lui répondit l'étalon en pointant ses oreilles vers l'avant l'espace d'un court instant. Et vous ?

Le mâle à la robe tachetée riva son regard brun sur un arbre non loin de lui, les yeux dans un vide qui semblait lui être quotidien.

- Rien de particulier, j'errais de territoire en territoire, lui répondit l'étalon à la robe tachetée dans un soupir qui ne trompait personne. Et vous ?

Il retournait chaque fois la question que son interlocutrice lui posait, sans nul doute pour fuir les explications qu'elle chercherait sans doute à obtenir de sa part. Habituellement, il parvenait à être jovial en présence d'autres individus, mais c'était sans compter les moments de tristesse qui le hantaient de temps en temps.

- Pourquoi donc, un fantôme ? Lui demanda l'étalon en se ressaisissant.

Il ne fallait pas qu'il montre son mal-être, cette jument s'inquiétait pour lui et il ne fallait pas. L'existence n'était pas faite pour lui, c'était ainsi, pas besoin de tenter de le raisonner. De toute manière, il n'aurait pas le courage pour l'instant de mettre fin à ses jours.