broken angel [libre]

Je suis immobile, bien droite sur mes sabots et le regard droit vers le ciel sombre. Je défie l'horizon du regard, qui rougeoie sous la haine qui s'y mouve. L'ouragan gronde à plusieurs centaine de mètres de mon être. Je ne le crains pas.

Curieuse, Iridescent s'approcha de cette haute colonne noire qui produisait un bruit assourdissant. C'était bien plus terrifiant que les tempêtes de sable, mais tellement plus intéressant. Du coin de l’œil, elle vit une jument, droite comme un i, les yeux rivés sur le phénomène météorologique. La jeune alezane haussa un sourcil et se posa sur un rocher plus bas.

« C'est pas mal, comme spectacle, s'avoua Iridescent à haute voix pour que l'autre jument l'entende. Heureusement que c'est gratuit. »

Une voix grinçante me tord les tympans et brise ma rêverie. Je fusille du regard l'imbécile et m'éloigne de plusieurs mètres. Je ne veux pas d'elle près de moi. « Aussi naïve que stupide. » C'est certainement ma provoction naturelle qui me pousse à la dire ce que je pense d'elle à voix haute, en l'imitant.

« Ben dites donc, ce n'est pas la politesse qui vous étouffe. Je veux bien m'avouer agaçante, mais ça ne s'améliore pas avec vos si gentils mots. »

Iridescent ne comprenait pas comment elle avait pu tirer l'autre jument de sa rêverie, avec le bruit incroyable que produisait la colonne orageuse. Et puis, il y avait d'autres moyens de demander le silence. Un Silence ! aurait suffi.
Par mesure de précaution, l'alezane descendit de son rocher et s'en trouva un plus bas mais plus proche de l'ouragan. Ce coup ci, elle resta debout et garda un oeil sur l'autre jument.

Complètement indifférente aux jérémiades de l'alezane - qui soit dit en passant est une robe tout à fait commune et sans intérêt - je ne peux tout de même pas empêcher un sourire outrancier prendre possession de mes lèvres. Néanmoins, je conserve cette attitude agressive envers l'inconnue.
Je suis du regard la colonne maléfique. Elle me fascine. Comment peut-elle vivre encore malgré le poids des années ? De tel phénomènes sont censés s'éteindre après quelques semaines. Mais pas celui-là, non. Il n'est peut-être pas naturel.

Légèrement étonnée par le comportement de l'autre jument, Iridescent décida de l'ignorer elle aussi. Après tout, entretenir une conversation avec un mur n'était pas déjà pas plaisant, si en plus il vous méprisait, cela devenait très agaçant. Mais un conflit ouvert n'était pas dans la mentalité d'Iridescent. Chacun menait sa vie comme il l'entendait, après tout.
Doucement, l’alezane aux crins blonds se coucha sur la pierre et fixait la colonne orageuse. Bien que fascinée, elle n'était pas rassurée. Aussi décidait-elle de garder ses distances et se désintéressa-t-elle de l'autre.

Le regard rivé sur l'ouragan, je me mouve sur le côté. Puis de l'autre. Je m'avance. Tourbillonne et ploie. Je romps d'un pas. Mes mouvements s'accélèrent, deviennent saccadés. Danse mortelle, dédiée au glissement du vent. L'âme plongée dans mes gestes épurés, j'en ai oublié la présence de l’Agaçante. C'est pourquoi je recule encore et sans la voie la griffe de mes sabots. Furieuse, je volte et crache : « Encore là toi ?! » Je grogne devant le dérangement qu'elle occasionne. J'ai failli lui marcher dessus. Elle a brisé le lien créé entre moi et l'espace.